Le 29 janvier dernier, la Chancelière de l’Échiquier britannique Rachel Reeves, a officiellement annoncé une nouvelle campagne de soutien gouvernemental à l’agrandissement des aéroports britanniques, en particulier à Heathrow, Gatwick et Luton, dans le cadre d’une stratégie de croissance économique. Le gouvernement entend rompre avec la « culture du défi » et passer outre l’opposition des « NIMBY » (Not In My Back Yard) qui, selon lui, ont trop longtemps fait obstacle aux projets d’infrastructure. Cette annonce a ravivé les débats dans les sphères professionnelles, politiques et publiques, le cas d’Heathrow étant particulièrement controversé.
Alors que les projets d’agrandissement de l’aéroport ont fait l’objet de discussions depuis le début des années 2000, il s’agit de l’un des plus soutiens les plus marqués qu’Heathrow ait reçu depuis des décennies. Face à cette nouvelle, la question clé est maintenant de savoir comment cela peut se concrétiser.
Le problème fondamental d’Heathrow est la capacité des pistes. Il s’agit de l’aéroport à deux pistes le plus fréquenté au monde, qui fonctionne à près de 100 % de sa capacité en raison de la forte demande et des restrictions strictes imposées aux vols de nuit, ce qui signifie que la demande de vols dépasse la disponibilité des créneaux horaires. Bien qu’un agrandissement puisse contribuer à résoudre ce problème, il s’agit d’une question complexe qui nécessite de trouver un juste équilibre entre les avantages économiques, les considérations environnementales et les intérêts des populations locales.
L’emplacement d’Heathrow à l’ouest de Londres rend l’agrandissement particulièrement difficile. Il est entouré de zones urbaines densément peuplées, ce qui signifie que toute nouvelle piste nécessiterait le rachat forcé de terrains (et l’expropriation de logements) et l’augmentation des mouvements d’avions au-dessus du centre de Londres, ce qui aggraverait la pollution sonore. En comparaison, les autres plateformes européennes sont généralement situées dans des zones plus éloignées, au nord ou au sud des centres-villes, et ne sont donc pas toujours confrontées à des problèmes du même ordre.
Les défis ne se limitent pas à l’emprise au sol. L’agrandissement d’Heathrow est limité par la nature complexe de l’espace aérien londonien, qui abrite six grands aéroports. La construction d’une troisième piste avec de nouvelles trajectoires de départ et d’arrivée nécessiterait une refonte complète de la gestion du trafic aérien et des anciennes trajectoires conçues il y a plusieurs dizaines d’années, ce qui n’est pas une mince affaire si l’on considère que le processus de proposition de modification de l’espace aérien (ACP) du Royaume-Uni est actuellement l’un des plus complexes et des plus stricts au monde.
Par ailleurs, contrairement aux aéroports comparables tels que Paris-CDG, Francfort et Schiphol, qui sont soumis à un contrôle public important, Heathrow est une entreprise privée qui fait l’objet d’une réglementation économique complexe de la part de l’autorité britannique de l’aviation civile (Civil Aviation Authority, CAA). En conséquence, le gouvernement a toujours maintenu que l’agrandissement devait être entièrement financé par des investissements privés, les redevances des passagers et les redevances des compagnies aériennes, ces deux derniers points nécessitant l’approbation de la CAA. L’équilibre entre les intérêts des actionnaires, les besoins des compagnies aériennes et les exigences réglementaires constitue un défi supplémentaire qui rend l’analyse de rentabilité de l’agrandissement particulièrement intéressante.