Les gestionnaires de terrains comportant des espaces verts, comme les aéroports, pourraient être assis sur un actif naturel précieux. C’est le message d’Olivier Taugourdeau, responsable technique et commercial de la solution soil.is d’Egis, qui aide les aéroports à élaborer des plans d’action en matière d’absorption du carbone pour leurs propres actifs fonciers en utilisant des solutions fondées sur la nature qui éliminent le carbone de l’atmosphère et restaurent la biodiversité. Nous avons discuté avec Olivier lors des dernières Rencontres de l’UAF à Toulouse, où il a présenté ce domaine d’innovation passionnant en matière de développement durable.
Pourquoi les aéroports devraient-ils s’intéresser à leurs actifs fonciers en dehors des pistes et des bâtiments ?
Pour de nombreuses raisons. Les actifs naturels des aéroports, y compris leurs prairies, ont le potentiel d‘appuyer leur engagement RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) et les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), comme la neutralité carbone. Ces actifs ont également une valeur économique, car, lorsque l’absorption du carbone est certifiée, cela permet aux aéroports de réduire leurs achats de crédits carbone sur le marché de la compensation volontaire.
Que se passe-t-il lorsque vous travaillez avec un aéroport ?
Nous commençons par auditer ses actifs fonciers en utilisant la télédétection, l’intelligence artificielle et parfois l’échantillonnage physique afin d’évaluer leur stock de carbone actuel et leur potentiel de stockage supplémentaire. Cette analyse nous fournit les données nécessaires pour proposer une stratégie d’absorption du carbone fondée sur la nature et les terres disponibles. La séquestration naturelle du carbone est le processus par lequel le CO2 est éliminé de l’atmosphère et stocké dans le sol et la végétation grâce à la photosynthèse des plantes. L’approche que nous adoptons est en phase avec les objectifs stratégiques du client. Par exemple, pour l’aéroport de Clermont-Ferrand Auvergne, l’objectif est d’augmenter les stocks de carbone et de cultiver des prairies à haut potentiel de séquestration, en collaboration avec des partenaires universitaires, pour compenser 100 % des émissions des scopes 1 et 2 et 40 % des émissions actuelles du scope 3. Pour l’aéroport d’Abidjan en Côte d’Ivoire, l’objectif consiste non seulement à augmenter les stocks de carbone et à atteindre 36 % de compensation des émissions des scopes 1 et 2, mais également à apporter des avantages économiques et sociaux à la communauté locale grâce à des contrats de culture maraîchère et des services environnementaux.
Une fois la stratégie convenue, il s’agit de détailler et de mettre en œuvre les projets d’amélioration avec des partenaires locaux, puis de contrôler, de déclarer et de certifier les absorptions.
Quels type de projets d’amélioration sont menés ?
Les projets proposés dépendent des sites, mais pour vous donner quelques exemples : les améliorations de l’aéroport d’Abidjan incluent la restauration de cinq hectares de mangrove, la réhabilitation de 166 hectares de sols dégradés, la création de 55 hectares de zones maraîchères ainsi que la collecte et le compostage de biodéchets. Grâce au projet TULIPS, nous accompagnons également une expérience sur les aéroports de Schiphol (Pays-Bas) et de Larnaca (Chypre) visant à évaluer le potentiel du biochar pour améliorer la santé des sols et créer un puits de carbone.
Votre travail relève de quel régime de certification ?
Toutes les déclarations d’absorption du carbone naturel sont conformes aux normes internationales telles que le protocole sur les gaz à effet de serre (GES), la norme ISO 14064 et celles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cela permet aux aéroports d’intégrer leur comptabilité à leurs déclarations de GES et certification ACA (Airport Carbon Accreditation). En effet, une séquestration du carbone dans le sol qui génère des avantages connexes fait partie des exigences de niveau 5 du programme ACA. Les membres de ce programme devraient donc être intéressés.
Il s’agit d’un nouveau domaine d’expertise en développement, quelle est l’expérience de votre équipe ?
Pour ma part, je possède un doctorat en écologie et 15 ans d’expérience dans la science du sol et la télédétection. Chez soil.is, notre équipe est spécialisée en biodiversité, en aménagement paysager bas carbone, en télédétection et en gestion de projet. Nous nous appuyons ensuite sur les autres expertises de nos collègues d’Egis dans des domaines comme l’hydrologie, les îlots de chaleur, l’intégration urbaine et les solutions numériques. Nous collaborons aussi régulièrement avec des universités afin de maximiser l’innovation et la participation des parties prenantes locales. Depuis notre création il y a trois ans, nous avons analysé des centaines d’hectares et conçu des solutions fondées sur la nature qui permettront de stocker 2 000 t éq. CO2 par an, à raison de 10 à 100 euros par tonne.
Quels conseils donneriez-vous aux aéroports qui souhaitent mieux utiliser leurs actifs fonciers pour atteindre leurs objectifs environnementaux ?
Nous avons constaté que les projets les plus aboutis sont ceux qui sont menés en collaboration avec les parties prenantes locales. Leur participation donne une impulsion supplémentaire au projet et contribue véritablement aux relations entre l’aéroport et la communauté locale. Je recommande également de travailler avec des experts qui comprennent les normes de certification et qui possèdent une expertise technique pertinente. La télédétection, les données de terrain et la modélisation sont des facteurs clés de succès. Nous les utilisons de bout en bout dans nos projets pour garantir une gestion de projet complète.