C’est désormais le moment de vérité. Après le temps des engagements, l’heure est venue de mettre en œuvre des actions transformatrices et impactantes et ce pour basculer réellement vers un monde post-carbone. Alors cap ou pas cap ?
L’année 2023 sera probablement l’année la plus chaude jamais enregistrée selon Copernicus, l’observatoire européen du climat. Tempêtes Ciaran et Domingos en France, ouragan Otis au Mexique, mégafeux au Canada et en Grèce, glissements de terrains en Inde… la planète gronde.
Pour autant, l’état d’urgence climatique est-il vraiment déclaré ? Trente ans que les scientifiques nous alertent. Le défi du siècle est d’arriver à stabiliser le niveau de concentration de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère d’ici 2050 et de maintenir ainsi l’élévation moyenne de la température terrestre en deçà de 2 °C d’ici 2100. Pourquoi ce seuil ? Parce qu’au-delà, la machine climatique s’emballe de façon irréversible, avec des conséquences désastreuses sur le monde du vivant dont l’humanité fait partie.
Plus qu’une poignée d’année pour agir… En France, par exemple, il nous faut réduire de 55 % nos émissions de GES entre 1990 et 2030. A ce jour, nous avons fait la moitié du chemin et il nous faut désormais faire en sept ans ce que ce que nous avons mis 33 ans à réaliser…. C’est clair, il faut que l’on accélère et que l’on active des leviers plus puissants. La politique des petits pas ne suffira pas.
Dans le même temps, le changement climatique se combine avec une dégradation massive de la biodiversité (nous avançons à pas de géant vers la sixième extinction massive des espèces) et l’épuisement des ressources naturelles (sable, fer, cuivre, aluminium, lithium, eau vont devenir de plus en plus en rare dans les prochaines décennies…). Tous ces enjeux sont interconnectés et c’est ce qui rend l’équation si complexe à résoudre.
La planète est un système complexe et ce système est en train de se déséquilibrer. En tant qu’ingénieure géophysicienne de formation, je sais combien on ne pourra pas négocier avec les limites physiques planétaires qui s’imposent à tous ; six limites planétaires sur neuf sont désormais franchies !
Le déséquilibre est tel que les géologues considèrent que nous avons basculé dans une nouvelle ère : celle de l’anthropocène, nouvelle phase géologique dont la révolution industrielle du XIXe siècle serait le déclencheur principal. C’est la grande bascule.
La situation à laquelle on doit faire face exige une transformation rapide et en profondeur de nos économies. C’est une évidence qu’il n’y a pas d’économie viable sur une planète qui ne l’est pas. Nous allons devoir réinventer nos modes de production, de consommation, nos modèles d’affaires et plus globalement nos modes de vie.
Chacun doit fait sa part dans sa zone d’influence. Nous ne pouvons nier la prise de conscience grandissante sur les sujets écologiques et énergétiques. De nombreuses entreprises ont pris des engagements très ambitieux. Les actions les plus simples à mettre en œuvre l’ont été. Et maintenant, c’est le moment de vérité, le moment où les entreprises oseront ou pas basculer vers de nouveaux modèles pour être réellement au rendez-vous de leurs promesses.
Chez Egis, de par nos métiers, nous sommes en première ligne pour apporter des solutions opérationnelles aux enjeux climatiques et ce, sur l’ensemble du cycle de vie des ouvrages auxquels nous contribuons à donner vie. Nous sommes pleinement conscients tant de l’urgence que de la difficulté à façonner un monde bas carbone en continuant à répondre aux besoins essentiels des populations.
Cela donne, depuis plusieurs années, un sens profond et renouvelé à nos métiers et nous conduit à revisiter en profondeur l’acte de planifier, concevoir, construire et exploiter les aménagements des territoires, en tenant compte des enjeux spécifiques de développement durable dans chaque grande région du monde.
Notre ambition est d’être un facilitateur, un accélérateur des transitions sociétales, énergétiques et écologiques :
- en concevant et exploitant des infrastructures durables, adaptées au climat de demain (‘future ready’), respectueuses de l’environnement et apportant un confort de vie aux populations
- en accompagnant l’avènement de nouveaux modèles de développement des territoires qui soient en ligne avec les Accords de Paris
- et en contribuant à renforcer la résilience des territoires au regard de l’accentuation des événements climatiques extrêmes
Nous avons trois grands leviers d’action :
- 1er levier : revisiter en profondeur le mode de conception de nos projets avec une approche globale, couvrant tout le cycle de vie des ouvrages. Nous généralisons le développement de pratiques d’écoconception dans tous nos métiers. Concrètement, cela consiste à mettre la minimisation des impacts environnementaux au même plan que nos optimisations techniques, fonctionnelles et constructives. D’ici 2030, 100 % des projets qui peuvent être écoconçus le seront. Ce sera la signature technique d’Egis, notre « marque de fabrique ».
- 2e levier : poursuivre une politique d’innovation volontariste pour imaginer de nouvelles solutions et services contribuant à la TEE. Notre terrain d’action est bien celui des solutions pouvant être mises en œuvre concrètement dans les projets de territoire, pour transformer des secteurs (transports, construction) qui, par nature, sont fortement émissifs. Nos champs d’exploration privilégiés sont l’économie circulaire (ex notre start-up Cycle Up, marketplace dédiée au réemploi des matériaux de construction), la séquestration carbone au travers de solutions basées sur la nature (nos solutions Landboost, Seaboost, Soil-is), l’adaptation au changement climatique (identification des vulnérabilités climatiques, plan de résilience, gestion de crise) et enfin les dispositifs innovants en matière de financement (finance verte).
- 3e levier : faire évoluer progressivement notre portefeuille d’activités de façon à accroître la part de notre chiffre d’affaires contribuant, de manière significative, à la transition écologique et énergétique. C’est l’axe le plus stratégique qui conduit à intégrer les critères ESG au cœur des processus de décisions stratégiques de notre entreprise, à l’instar des acquisitions ou GO/NO GO sur projets. Cela conduit aussi à assumer des renoncements. C’est ce qui a été fait avec le renforcement de notre politique d’exclusion au regard des énergies fossiles. La force des engagements se mesure à l’aune des renoncements. C’est une question de cohérence.
Est-ce suffisant ? Non. Force est de constater que nous sommes collectivement loin de l’objectif visé par les Accords de Paris. Il nous faut changer de braquet. C’est encore possible. L’enjeu majeur aujourd’hui est d’accélérer, de passer à l’échelle et de massifier les actions vraiment transformantes. Et pour cela, il faut agir au niveau des filières et des secteurs : il s’agit de décloisonner, partager, explorer ensemble de nouvelles sources de création de valeur. C’est à ce titre que nous avons, par exemple, cofondé une chaire de recherche dédiée au jumeau numérique au service de la construction durable, avec six autres partenaires industriels et académiques (ESTP, Bouygues Construction, Schneider Electric, Arts et métiers, BRGM, SNCF Réseau). Cela ne pouvait être possible qu’en croisant les regards et les expertises de tous les maillons de la chaîne de valeur du secteur.
Le nerf de la guerre va être de revisiter les modèles d’affaires et de passer progressivement de la logique économique linéaire qui prévaut aujourd’hui (construite sur la séquence Extraire, Produire, Consommer, Jeter) en des logiques économiques plus vertueuses basées sur la circularité, l’usage et le partage. Il s’agit bien de continuer à faire du business, mais autrement. Il va falloir collectivement être force de proposition pour faire évoluer les méthodologies et cadres normatifs lorsqu’ils ne s’avèrent plus adaptés aux nouveaux enjeux. C’est ce sur quoi nous travaillons actuellement au sein de Syntec Ingénierie.
Enfin, la dernière bascule à opérer est d’ordre culturel.
« L’enthousiasme est à la base de tout progrès. » — Henry Ford
La situation est anxiogène. Or, nous savons que la peur est paralysante. Le meilleur remède à l’écoanxiété est l’écoaction. Ce qui met en mouvement, c’est l’émotion, les aspirations, les visions positives qui donnent du sens. C’est ce que nous avons expérimenté dans le cadre de la Fondation Egis qui se consacre à la lutte contre le changement climatique et à la transition juste. Dans le cadre du challenge annuel d’innovation à destination des étudiants du monde entier, nous avons noué un partenariat avec la biennale PhotoClimat ; l’objectif conjoint étant de sensibiliser le grand public par l’art et la mise en action de la jeunesse.
Les voies vers une société post-carbone existent, elles sont à ouvrir, à explorer… Exigeant mais exaltant !