Apaiser la ville, pour quoi faire ?
Le terme “d’apaisement” de la ville s’impose régulièrement, dans l’optique d’adopter des mesures permettant de diminuer la vitesse, la place de la voiture sur la chaussée, ou encore d'améliorer les aménagements piétons et cyclistes.
Cette situation résulte de la construction avant tout routière, voire autoroutière de certains axes importants en ville, accordant une grande place à la voiture.
Ce type d’aménagement encourage l’usage du véhicule individuel, polluant et consommateur d’espace, et provoque des problématiques importantes en matière de pollution atmosphérique, voire d’accidentologie.
Les nouveaux objectifs de développement durable, de densification de la ville, de diminution de l’artificialisation des terres arables, mais aussi de préservation du cadre de vie, ou encore de la mise en valeur du patrimoine, amènent les pouvoirs publics à repenser le rapport à la mobilité, ainsi que le partage de l’espace public.
Zones de rencontre et vélorues, pour qu’une autre cohabitation soit possible
Pour se faire, une palette d’aménagements existe, notamment par l’introduction de certains concepts comme celui de la zone de rencontre (ou zone de rencontre apaisée), introduit dans le code de la route en 2008, et qui est un intermédiaire entre une aire piétonne et une zone 30.
Ce concept, inspiré des “zones résidentielles” des Pays-Bas instaurées depuis les années 1970, impose une vitesse des véhicules limitée à 20 km/h et une priorité donnée aux piétons, à l'exception des tramways. Les chaussées y sont théoriquement à double sens pour les cyclistes, et les entrées et sorties doivent être particulièrement banalisées, afin d’être identifiées facilement par tous les usagers.
Les zones de rencontres sont particulièrement recommandées dans certains cas, notamment dans les centres anciens, aux rues étroites, aux lieux de concentration de commerces entraînant une forte présence de piétons. Les zones de rencontre permettent de conserver une desserte automobile tout en privilégiant la déambulation des piétons ou des touristes.
De manière similaire, mais avec comme principal objectif la sécurisation et la promotion du vélo, la vélorue renverse la priorité sur la voirie à laquelle elle est appliquée. Bien que toujours autorisé, le véhicule moteur doit céder le pas au profit du vélo. Ce concept né en Allemagne dans les années 80 a été adopté aux Pays-Bas depuis les années 90, ainsi qu’au Danemark.
Bien que leurs réalisations soient largement différentes en fonction des situations, c’est un ensemble de mesures qui permet de contribuer à l’utilité d’une vélorue. L’exemple de la vélorue réalisée sur l’avenue Louise à Bruxelles montre la nécessité d’inclure ces réalisations dans un ensemble cohérent beaucoup plus grand. En l’espèce, l'absence de réseau cyclable structurant, un nombre trop grand d’automobilistes et une vitesse trop élevée (40 km/h), n’ont pas réussi à transformer cette vélorue en un exemple probant d’espace partagé.
De son côté, la vélorue Dandicolle de Bordeaux a connu une première version en 2018, aménagée avec des bandes cyclables permettant aux cyclistes de rouler à contresens. Une reprise de la signalisation et la matérialisation d’une bande centrale colorée, ainsi que la restructuration de la circulation à l’échelle du quartier en 2019 ont permis, dans un second temps, un véritable changement d’usage de la voirie. Cette rue s’inscrit de surcroît dans la ligne 8 du réseau express vélo bordelais, devenant ainsi une des artères principales de déplacement à vélo dans l’agglomération. Les résultats ont été plus qu’encourageants, avec un trafic véhicule en baisse de 45 % (1850 véhicules/jour), une fréquentation vélo de 1800 vélos/jour et un taux de satisfaction des usagers de plus de 80 %.
On trouve également à Rennes un récent exemple de vélorue ayant trouvé son public. La ville a comme profité d’un « alignement des planètes », dans la mesure où les confinements liés à la pandémie de covid-19, et les travaux pour transformer au moins partiellement un axe routier adjacent en couloirs bus, ont pu lui permettre de métamorphoser 750 m d’un des boulevards principaux en vélorue. Cette réalisation s’inscrit dans une restructuration globale de la circulation dans l'hypercentre, avec un passage complet en zone de rencontre et un trafic dévié vers l’extérieur.
Cette vélorue s’inscrit de plus dans le REV (Réseau Express Vélo) de la métropole rennaise qui, malgré la présence d’une voie de bus dans un seul sens de circulation, fait partie du réseau structurant. Notons la fréquentation : jusqu’à 5000 vélos par jour contre 6000 voitures auparavant.
Les zones 30, premiers retours d’expérience en France, des résultats encourageants
Les premières villes 30 se trouvent en Europe centrale avec, comme première expérience importante recensée, la ville de Graz en Autriche, en 1992. La ville de Zollikon, en banlieue de Zurich, l’est également devenue en 2004. Contrairement aux idées reçues, les premières initiatives françaises de quartiers puis de villes 30 ne proviennent pas des villes-centres de nos principales agglomérations, mais de petites villes de banlieue parisienne (Rueil-Malmaison) ou de l’ouest (Lorient), et ce, dès les années 1980. Fontenay-aux-Roses puis Sceaux le sont devenues en 2008, entraînant dans leur conversion certaines villes proches telles que Clamart ou Sèvres, toutes situées dans les Hauts-de-Seine. Il est important de noter que les villes ayant sauté le pas vers l’intégralité de la commune à 30 km/h avaient déjà, en règle générale, un nombre important de quartiers où cette règle s’appliquait.
Ce n’est que récemment que la mesure a pris une autre ampleur lors du passage de grandes agglomérations, dans leur totalité ou presque, en zone 30. Grenoble fut la première grande agglomération à l’instaurer dès 2016, renversant la règle des 50 km/h comme norme, et des 30 km/h comme exception. Ce fut ensuite au tour des villes de Lille, Strasbourg, Besançon et Nantes de passer aux 30 km/h en 2019. Paris et la région de Bruxelles le sont devenues à leur tour, toujours hors axes principaux.
On assiste donc à un vrai phénomène d'entraînement où la norme devient les 30 km/h sur tous les axes non principaux. Critiqué, voire redouté par les automobilistes, le passage aux 30 km/h a demandé un temps d’adaptation comme à Nantes avec parfois, au début, de la congestion voire simplement un non-respect de la vitesse autorisée. Le retour de certains axes à 50 km/h, pour ne pas trop pénaliser les automobilistes, a également pu être observé à Bègles, en banlieue de Bordeaux.
Néanmoins, après cette période de transition, le passage aux 30 km/h montre des bénéfices, en particulier sur le plan sécuritaire, avec des baisses sensibles d’accidents de l’ordre de 25 à 30 % dans les agglomérations de Grenoble et de Bruxelles. La vitesse diminue également partout dans ces agglomérations, y compris dans les zones non limitées à 30 km/h. La circulation a baissé de 10 % à Grenoble, permettant de réduire la pollution atmosphérique. La ville de Berlin a constaté une diminution de 10% des émissions de NO2 (dioxyde d’azote) dans cinq rues particulièrement fréquentées, faisant suite à la baisse de la vitesse autorisée. Le passage aux 30 km/h aurait donc un impact écologique bénéfique, même si cette donnée est difficilement quantifiable.