Faciliter le rabattement à vélo, à pied, à trottinette, mais aussi en voiture et en bus, vers les transports lourds (métro, tramway, gares…) est essentiel pour augmenter l’attractivité des réseaux de transport et ainsi encourager le report modal. Comment fluidifier les usages quotidiens ? Quelles solutions pour favoriser la place du vélo dans les transports ?
D’importants réservoirs de rabattement
De nombreuses études, souvent récentes, mettent en lumière les possibilités offertes par le rabattement en modes actifs, dont le vélo. D’ici la fin de la réalisation du Grand Paris Express, 95 % des habitants résideront à moins de 2 km d’une gare en Île-de-France, ce qui représente un trajet réalisable en 10 min à vélo ou en bus[1]. Un grand nombre de quartiers, mais aussi d’équipements publics ou de zones d’emplois, disposeront ainsi d’une desserte rapide vers un axe lourd de transport.
Dans les faits, les mobilités actives représentent déjà la majorité des déplacements vers les gares d’Île-de-France avec 69 % des voyageurs qui se rabattent vers les stations dans la métropole (hors Paris) à pied et 51 % en grande couronne pour des trajets de 400 à 500 m en moyenne[2].
Ces distances moyennes, égales ou inférieures à deux kilomètres représentent un rayon tout à fait compatible avec l’usage du vélo et de la marche à pied. Or, le vélo est utilisé pour se rendre à la gare dans seulement 6 % des cas en France contre 45 % des cas aux Pays-Bas, prouvant les possibilités de progression très élevées de ce mode de déplacement.
Or, cela nécessite la réalisation d’aménagements adaptés sur ces deux premiers ou derniers kilomètres. Ces distances peuvent s’allonger à trois, voire cinq kilomètres pour un vélo classique et jusqu’à environ dix kilomètres pour un VAE selon Vélo & Territoires[3]. Le développement des vélos cargo et long-tail, permet en outre de réaliser des déplacements en chaîne (je dépose mes enfants à l’école et je vais au travail ou je rentre du travail et je vais faire les courses), ce qui peut représenter jusqu’à 2,66 trajets par déplacement (2018).
Le bus constitue également un mode de rabattement structurant, avec 23 % des usages dans la métropole (hors Paris) et 28 % en grande couronne, pour un trajet moyen de 2,3 km. Là encore, son développement nécessite l’aménagement de capacités d’accueil et de stationnements, dans des gares routières agréables pour les voyageurs et correctement connectées au reste du réseau pour une expérience « sans couture ».
On assiste à une nouvelle prise en compte de ces possibilités de rabattement, y compris dans la législation…
Dans les grandes villes, la place de la voiture tend à diminuer et la relation à la propriété change avec les mobilités partagées (micromobilités, vélos en libre-service…).
Les réseaux de transport ont également tendance à évoluer avec un maillage plus large du territoire et le passage de réseaux urbains à des réseaux métropolitains. Le développement des voies lyonnaises, du REVe parisien ou les lignes fortes “Vélostras” de Strasbourg en sont de bons exemples.
L’objectif de doubler la part modale du transport ferroviaire autour grands des pôles urbains d’ici dix ans, grâce à la création des « RER métropolitains », concentre également l’attention des pouvoirs publics sur les gares, notamment périurbaines, laissant place à des réflexions sur leurs usages et sur le développement du rabattement. La LOM va dans ce sens avec, comme inscription dans son article 53, l’obligation de disposer de stationnements sécurisés pour les vélos avant le 1er janvier 2024. Les gares dont la fréquentation est supérieure à 100 000 voyageurs/an seront ainsi obligées d’être pourvues d’un nombre minimal de stationnements, ce qui représente un objectif d’équiper au minimum 1133 gares, pour 76 000 places de stationnement sécurisé. Cela représente presque le double du nombre actuel qui est d’environ 42 000 actuellement.
Outre ces objectifs qui permettent de faciliter le stationnement en gare, l’article 53 de la LOM prévoit de faciliter l’embarquement des vélos à bord des trains, avec un seuil minimal d’espaces pour vélos disponibles[4]. Le texte prévoit en effet que les trains neufs et rénovés à partir du 15 mars 2021 puissent offrir huit places de vélos pour les trains nationaux, 2 % du nombre de places assises du train pour les trains régionaux (min 4, max 8) et 1 % du nombre de places assises du train en Île-de-France (min 4, max 8).
Ces dispositions ne s’appliquent pas aux RER ou aux transports urbains, tels que les tramways.
Des initiatives en faveur de l’utilisation du vélo, notamment à des fins touristiques
Outre ces dispositions générales, des initiatives locales permettent de favoriser le rabattement à vélo vers et depuis les pôles d’échange. Sur La Loire à Vélo a été mis en place une signalisation homogène et systématique. Toujours sur le même itinéraire et depuis 2011, un « train vélo Loire » aux configurations différentes en fonction des saisons permet, en été, de disposer de cinquante emplacements vélos sur l'axe Orléans-Le-Croisic. Ce service gratuit est assuré trois fois par semaine et à deux reprises en week-end durant la saison estivale[5]. La Nouvelle-Aquitaine a également mis en place une zone vélo spécifique à bord des trains sur certaines lignes, Bordeaux-Arcachon, Bordeaux-Hendaye et Bordeaux-La Rochelle où l’affluence à vélo est forte, notamment en lien avec La Vélodyssée. Ces trains offrent entre 17 et 25 espaces de rangement pour des vélos non démontables. L’embarquement de vélos ne se limite pas qu’aux trains, la société Transisère équipe ainsi progressivement ses cars de porte-vélos à l’arrière des véhicules, permettant d’embarquer six cycles.
Ces offres ne concernent pas seulement les touristes, les nouveaux trains de la région Centre-Val-de-Loire permettent ainsi 27 vélos à bord en configuration classique, ce qui incite à privilégier le vélo pour les trajets quotidiens.
Stratégies de rabattement
Ces stratégies d’amélioration du rabattement en modes actifs figurent désormais dans les objectifs des collectivités territoriales qui souhaitent structurer leur développement urbain et leurs pratiques de déplacement autour des lignes de transport lourd. En plus de la densification souhaitée près des gares, l'amélioration de l’offre de rabattement est l’un des principaux outils qui permettent de rendre plus attractif les transports collectifs aux dépens de l’automobile.
Le Syndicat Mixte de l’Aire Métropolitaine Lyonnaise (SMT AML) a ainsi été chargé de coordonner les différents transports à l’échelle du bassin de vie de la métropole. Il a, par exemple, développé un programme spécifique — avec un plan d’action à réaliser par les collectivités — afin d’augmenter l’usage et les possibilités de rabattement.
Dans une approche similaire, l’Atelier Parisien d’Urbanisme a réalisé une étude concernant les rabattements sur un rayon de deux kilomètres autour des stations du Grand Paris (cela concerne 95 % de la population de l’Île-de-France) pour adapter les espaces publics et organiser une intermodalité efficace[6]. Cette étude propose une requalification piétonne et urbanistique, des espaces publics et du stationnement dans un rayon de 800 m, puis une amélioration des aménagements piétons et cyclables au-delà, afin de faciliter tous les déplacements, tout en s’adaptant aux réalités des flux.
Ces études et stratégies permettent de détecter les coupures urbaines importantes qui freinent les mobilités actives (comme c’est le cas pour la station Saint-Denis Pleyel) ou d’identifier des environnements trop autoroutiers qui mériteraient des adaptations afin de favoriser un rabattement via les modes actifs ou le bus.
En définitive, la bonne prise en compte du vélo et des mobilités actives dans la stratégie globale de rabattement vers les axes de transport lourds traduit l’importance que ces modes peuvent représenter pour accroître l’utilisation des transports en commun et encourager le report modal. Les possibilités de report sont significatives, mais doivent être accompagnées d’un effort considérable et d’initiatives locales comme nationales pour améliorer l’intermodalité, notamment par le développement de stationnements vélos sécurisés et d’aménagements cyclables.
[1] APUR, Évolution des mobilités dans le Grand Paris. Tendances historiques, évolutions en cours et émergentes, 2021
[2] Ibid
[3] SMT AML, Webinaires, l’intermodalité en mode pratique, https://www.smtaml.fr/actions/webinaires-lintermodalite-en-mode-pratique/
[4] Vélo&Territoires, Intermodalité : une nouvelle réglementation pour généraliser les emplacements vélo à bord des trains, 2021, https://www.velo-territoires.org/actualite/2021/01/20/intermodalite-nouvelle-reglementation/
[5] Vélo&Territoires, ENBARQ, Étude intermodalité vélo-transports terrestres,
https://www.velo-territoires.org/wp-content/uploads/2021/09/Rapport-EMBARQ-VF-1.pdf
[6] APUR, Évolution des mobilités dans le Grand Paris.Tendances historiques, évolutions en cours et émergentes, 2021