Au cours de l’été 2024, le trafic aérien s’est intensifié dans le ciel européen, accentuant les défis rencontrés par le système global de gestion du trafic aérien (ATM). D’après la publication récente d’EUROCONTROL portant sur la revue des performances du réseau européen, le trafic aérien a augmenté de 4,8 % l’été dernier. Bien que cette augmentation indique une reprise par rapport aux années précédentes, elle a également exercé une pression considérable sur le réseau ATM, qui s’est traduit par une hausse de 41 % des retards dans la gestion des flux de trafic aérien (AFTM).
Cet été, 5,4 minutes de retard par vol étaient dues à des problèmes d’AFTM. Cette hausse est le résultat d’une combinaison de facteurs, dont les intempéries, les contraintes de capacité et les tensions géopolitiques continues, comme la guerre en Ukraine.
La météo imprévisible a continué d’avoir une incidence significative sur les systèmes européens de gestion du trafic aérien cet été, mettant en évidence les défis croissants liés au dérèglement climatique. Plus les intempéries augmentent, plus la demande exercée sur des systèmes ATM déjà sous tension est importante. Ces problèmes sont accentués par les manques de capacité, lesquels reflètent l’écart grandissant entre la demande de trafic aérien et la capacité du système à y répondre. La dotation en personnel reste un défi permanent pour maintenir un réseau fluide, même si les retards dus au personnel de contrôle du trafic aérien (ATC) n’ont pas augmenté depuis l’année dernière. La ponctualité des arrivées montre également un bilan préoccupant. Seulement 65 % des vols sont arrivés dans les 15 minutes suivant l’heure d’arrivée prévue, ce qui signifie que 35 % des vols sont arrivés avec un retard de plus de 15 minutes ! Ces chiffres mettent en lumière les conséquences plus larges des retards, non seulement pour la gestion du trafic aérien, mais également pour les passagers et les compagnies aériennes en Europe.
Un autre fait intéressant et très peu évoqué cet été concernait la forte hausse des vols qui ne respectaient pas la trajectoire verticale de vol prévue. Près de 600 000 vols ont dévié des niveaux verticaux prévus, soit une hausse de 60 % par rapport à 2023. Certains clients ont également signalé des problèmes relatifs au respect de l’efficacité horizontale des vols dans des secteurs quasiment à pleine capacité. La planification repose sur des plans de vol et des informations en temps réel qui arrivent en général 15 minutes avant l’entrée dans le secteur, ce qui laisse peu de marge de manœuvre aux contrôleurs pour s’adapter aux déroutements dûs aux conditions météorologiques et autres évènements similaires. Comment expliquer ce comportement ? S’agit-il d’un choix stratégique de la part des compagnies aériennes, qui consisterait à effectuer des ajustements de dernière minute pour obtenir de meilleurs créneaux ou des niveaux de vols plus efficaces ? Ou bien ces changements sont-ils le résultat de conditions météorologiques imprévues ? Une autre possibilité réside dans la saturation de l’espace aérien, contraignant les pilotes à changer de trajectoire en cours de vol. La pression concurrentielle liée au respect des horaires est-elle également en cause ? Ces déviations ont des répercussions sur les prestataires de services de navigation aérienne (ANSP) qui ont des difficultés à maintenir des opérations fluides, ce qui entraîne encore plus de retards.
Ces défis sont certes complexes, mais des efforts sont déployés dans toute l’Europe pour y répondre. Par exemple, les ANSP recherchent de plus en plus un accompagnement sur mesure pour améliorer l’acquisition des systèmes et l’efficacité opérationnelle. Ces dernières années, Egis a aidé les ANSP à moderniser les systèmes ATM et à relever les défis liés aux démarches d’acquisition, afin que les systèmes puissent répondre aux exigences et à l’imprévisibilité croissantes du trafic, en s’appuyant sur une plus grande flexibilité et une réactivité accrue. Toutefois, les nouveaux systèmes ne sont pas une panacée. Même lorsqu’ils sont présents, dans des environnements à haute capacité, les contrôleurs aériens se concentrent exclusivement sur la sécurité du vol et peuvent donc manquer de temps pour penser à envoyer des messages OLDI détaillés ou à étudier différents scénarios. Autrement dit, l’évolution des systèmes et les fonctionnalités avancées n’apportent pas toujours les avantages promis !
Parallèlement, la transformation numérique se poursuit. Le travail d’Egis d’accompagnement de l’entreprise commune SESAR et du partenariat COOPANS dans le cadre de projets SESAR, en particulier la mise en œuvre de solutions de centre virtuel, vise à accroître la flexibilité et l’efficacité des opérations ATM. Cependant, comme cela a été constaté au cours de l’été 2024, la transformation numérique ne peut pas tout résoudre. L’espace aérien a des limites et même les systèmes les plus avancés, lorsqu’ils ne sont pas utilisés comme prévu, auront des difficultés à éviter les retards.
Les tableaux de bord peuvent aider les ANSP à apporter des ajustements proactifs pour optimiser les performances, en leur permettant de surveiller des indicateurs comme les retards, la capacité et l’efficacité verticale et horizontale des vols et en leur offrant une vue dynamique qui peut être filtrée et personnalisée. Egis a développé ce type de tableaux de bord pour des clients tels que PANSA et FABCE, ce qui leur a permis d’avoir une meilleure connaissance de la situation et de réagir rapidement aux perturbations opérationnelles. Au niveau stratégique, ils favorisent également la prise de décision fondée sur les données, permettant ainsi à la direction d’identifier rapidement les tendances et d’anticiper les défis opérationnels.
Alors que le secteur progresse dans la transformation numérique et l’automatisation des systèmes, il apparaît clairement que des innovations à long terme et des améliorations opérationnelles à court terme sont nécessaires pour gérer un espace aérien européen de plus en plus complexe. Par exemple, mon collègue Philip Church approfondit cette question dans le dernier numéro du magazine Skyway d’EUROCONTROL. Les tendances actuelles indiquent que la demande se maintiendra (ou augmentera) et que les incidences météorologiques continueront de s’aggraver, ce qui entraînera des pressions sur les systèmes et des retards inévitables. Par conséquent, nous devons nous concentrer sur ce que nous pouvons contrôler et gérer, tout en nous préparant aux évolutions stratégiques et aux systèmes avancés à venir.