MAAS : ses origines
Le MAAS désigne, au départ, la possibilité offerte à l’usager d’avoir accès à l’information comme à la réservation de titres de transport via une plate-forme numérique. Il s’agit d’un produit numérique dont les applications peuvent englober différents services de transport (d’un même réseau ou non) et visent avant tout à lisser les barrières aux déplacements pour les usagers. Bien que l’intégration des différents modes, qu’ils soient publics ou privés (free floating…), rende encore difficile la construction de dispositifs MAAS, l’objectif est bien d’offrir à terme un unique moyen d’information et de paiement, valable pour l’ensemble des transports utilisés (transports urbains, ferroviaires, auto ou vélo-partage…) lors d’un trajet.
Par extension, la définition englobe maintenant la complétude de l’offre digitale et des services de mobilités qui la constituent.
L’aspiration à rendre l’ensemble de la chaîne de déplacement aussi fluide que possible, afin que les transports publics deviennent plus attractifs, s’inscrit totalement dans le concept de Smart City, ou de Smart Mobility, dont le but est d’améliorer l’efficacité des services existants par l’usage des technologies numériques.
Cette vision macro des déplacements est présente dés l’origine du concept, notamment en Finlande où le gouvernement promeut activement l’usage des transports publics afin de respecter ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Le concept a tout autant intéressé les responsables politiques français, notamment lors des assises de la mobilité de 2017. La LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) de 2019 inscrit ainsi le MAAS dans la législation française en permettant « sous réserve de l'accord de l'autorité organisatrice compétente ou du fournisseur du service, la revente desdits services au prix qu'il fixe ainsi que la vente de ses propres produits tarifaires » . L’encadrement législatif précoce et la volonté affichée de rendre disponibles les données traduisent une volonté nationale de promouvoir le MAAS comme outil facilitant l’utilisation des transports.
Le développement des solutions MAAS
Le développement de ces solutions s’est davantage fait localement avec, dès 2013, le développement de la plate-forme Optimod développée au sein de la Métropole de Lyon. Optimod compilait les données relatives à la mobilité urbaine ainsi qu’aux opérateurs de transports afin de calculer les meilleures alternatives de voyage possibles. Cette plate-forme disposait notamment des données de la SNCF, des transports urbains, des parkings privés ou encore des services de vélos en libre-service. Mulhouse et Saint-Etienne font également figure de pionniers pour le développement de services numériques multimodaux. Saint-Etienne a ainsi lancé Moovizy, une application mobile de recherche d'itinéraires compilant les transports publics de Saint-Etienne et ceux de Lyon, les informations concernant les TER ainsi que celles concernant les avions de l’aéroport Saint-Exupéry de Lyon. L’application Moovizy s’est ensuite étendue à de nouveaux moyens de transport tels que les taxis ou les vélos en libre-service via un service billettique en post-paiement.
Mulhouse a lancé, pour sa part, le « Compte mobilité » qui rend disponible l’ensemble des informations liées à la mobilité (tram, bus, TER…) en incluant les services de location de vélos ou encore les cars départementaux. Ce compte mobilité intègre également la billettique de l’ensemble de l’offre de transport de la métropole de Mulhouse, sans toutefois inclure les trains régionaux. Le système de post-paiement permet de payer en une seule fois l’ensemble des voyages effectués en début de mois suivant utilisation.
L’agglomération d’Annemasse a également développé un système de MAAS transfrontalier regroupant les données voyageur sur les réseaux urbains et ferroviaires français et suisses sur le périmètre du Grand Genève.
Des solutions sur mesure pour les territoires
Les différentes solutions de MAAS créées localement s’adaptent ainsi aux réalités de chaque autorité organisatrice de la mobilité (AOM), en compilant les informations des solutions de mobilités propres à leurs territoires et au-delà (Saint-Etienne, Annemasse), en fonction de la pertinence que cela peut représenter dans les flux des territoires concernés. Il est également possible de le développer soi-même, comme ce fut le cas pour Onlymoov à Lyon qui récupère ses propres données, notamment à l’aide de capteurs sur la chaussée.
La mobilité comme service est donc principalement promue par les métropoles et non les régions qui sont pourtant, depuis 2019, cheffes de file de la mobilité sur l’ensemble des territoires régionaux. Cette promotion avant tout locale pose donc la question de l’intégration de l’ensemble des solutions à l'échelle du bassin de vie. Le recueil des données d’autres AOM et la difficulté d’intégrer la billettique SNCF devraient logiquement placer les régions comme acteurs privilégiés pour la promotion des solutions MAAS. Certaines régions se saisissent de cette opportunité en développant des outils qui restent généralement des systèmes d’informations multimodaux (SIM), ce qui exclut donc l’achat de titres de transport.
Quatre régions se distinguent par leur proactivité à développer des solutions MAAS sur l’ensemble de leurs territoires : La Bretagne, la Normandie, la Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, même si l’ensemble des réseaux ne sont pas concernés. La standardisation des cartes billettiques et des moyens techniques par région reste, pour le moment, incomplète pour des raisons économiques, techniques ainsi que d‘image. Ou bien les cartes billettiques et applications peuvent fonctionner sur les réseaux régionaux ferroviaires (TER) et de cars, mais pas pour tous les réseaux urbains (ex: la région AURA), ou inversement.
La région Nouvelle-Aquitaine, par le biais de son syndicat mixte Modalis, vise la création d’un MAAS unique sur l’ensemble de son territoire, ce qui devrait contribuer à lever les principales barrières techniques et administratives auxquelles font face les différents exploitants, notamment les difficultés de coopération entre les différentes AOM et la SNCF, dernier obstacle à l’instauration d’un MAAS intégrant la totalité des réseaux régionaux.
La profusion des offres de MAAS fait qu’il est aujourd’hui possible de disposer d’une multitude d’applications : parfois privées (Google maps, Citymapper…), régionales (Fluo en région Grand-Est, Destineo en Pays-de-la-Loire) ou locales, mais le plus souvent propres aux exploitants de réseaux (CTS et TAN, respectivement à Strasbourg et Nantes). Dans une même agglomération, il est ainsi possible de cumuler plusieurs applications afin d’obtenir l’ensemble des informations relatives aux divers moyens de transport utilisés lors d’un seul déplacement. Ces solutions sont en évolution rapide, avec l’ajout régulier de nouvelles informations ou fonctionnalités (services de VTC, information TER…). L’intégration tarifaire des différents réseaux est particulièrement compliquée, notamment en ce qui concerne les services ferroviaires. Les applications délivrant les services de la SNCF (SNCF Connect, applications régionales) ne permettent parfois pas la délivrance de l’ensemble des tarifs disponibles avec les cartes, abonnements et services différents (TER, Intercités, TGV, Ouigo…). Le cumul avec plusieurs réseaux de transports urbains additionnels semble donc encore loin.
Une solution de MAAS unique sur l’ensemble du territoire ?
Cependant, SNCF propose depuis peu, via son application SNCF Connect, une solution MAAS pour l’ensemble du territoire, sans toutefois inclure les offres tarifaires des AOM urbaines. L’implication d’un acteur national dans la construction de solutions de mobilité au porte-à-porte pourrait cependant rebattre les cartes dans le paysage du MAAS, en y intégrant la billettique.
C’est le cas en Suisse, où ce sont les chemins de fer fédéraux qui exploitent le Swisspass, lequel permet d’emprunter l’ensemble des transports ferroviaires, routiers et fluviaux suisses ainsi que les réseaux urbains d’un grand nombre de villes et permet même d’inclure son forfait de ski.
Des acteurs internationaux peuvent par ailleurs assumer également ce rôle. En Autriche, l’application WHIM permet d’acheter des titres à l’unité mais pas les abonnements mensuels valides sur l’ensemble des réseaux de la ville et de sa banlieue. L’application du réseau (WienMobil), en revanche, le permet, ainsi que l’obtention d’informations sur l’ensemble des offres de mobilité publiques ou privées (vélo en libre-service, taxis…).
WHIM est également présent à Helsinki où les abonnements y sont disponibles à l’achat. Certaines villes des Etats-Unis laissent même les acteurs privés se charger des solutions de mobilités servicielles, en obligeant leurs réseaux à les rendre compatibles et disponibles par les opérateurs privés sans se charger du développement d’applications ou de services par leurs propres moyens (cas de Saint-Louis).
Bien que ces exemples puissent être difficiles à répliquer en France, ces derniers peuvent inspirer des initiatives, au moins à titre régional ; la normativité française prévue dans la loi LOM rendant de surcroît les AOM toujours maîtres du jeu.
La normativité et la standardisation, tant pour le partage des données que pour l’exploitation et la mise en vente des titres de transports, conduisent à respecter obligatoirement la grille tarifaire de l’autorité organisatrice des mobilités.
L’échelon régional parait donc ici particulièrement pertinent du fait de sa position d’AOM sur l’ensemble du territoire qui lui correspond et comme compétent dans le domaine ferroviaire. La région Nouvelle Aquitaine saisit cette opportunité et se détache par la volonté de fédérer l’ensemble des AOM urbaines autour du syndicat mixte Nouvelle-Aquitaine-Mobilité. C’est aujourd’hui la région qui semble la plus avancée vers un système de paiement et d‘information unique.
Finalement, du pain béni pour la mobilité de demain ?
Le MAAS, que les différents acteurs ont rapidement utilisé afin de proposer des solutions de mobilité au porte-à-porte, a rapidement su faire consensus autour de ses objectifs et connaît un développement fulgurant. La diversité des usages comme des propositions techniques et plus encore, des besoins, complique cependant l’exploitation optimale que pourraient offrir les différentes solutions de MAAS.
Il est important de signaler que les AOM régionales, pourtant les plus compétentes sur le sujet, ne constituent pas les autorités qui investissent le plus dans ces solutions. Bien qu’elles disposent des capacités à développer ces initiatives, elles rencontrent les habituelles difficultés de coopération avec les multiples autorités et exploitants présents sur son territoire. Les évolutions des MAAS étant rapides, il est par ailleurs possible que les différents services numériques puissent proposer le M Ticket (Ticket électronique), ce qui reviendrait à réaliser ce que les différentes AOM urbaines et régionales n’ont, parfois, pas réussi à réaliser hors abonnements combinés, et ce depuis une vingtaine d’années.